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Contre les tomates sous serre chauffée, et pour une bio plus exigeante !

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Contre les tomates sous serre chauffée, et pour une bio plus exigeante !
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Derrière l'étiquette
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22/08/19

A rebours des valeurs historiques et du sens de la bio, peu respectueuse de l’environnement et du consommateur, la production de légumes bio en serres chauffées va à contre-sens des engagements portés par les acteurs de la bio française. Quelques semaines après son autorisation, sous conditions restrictives, nous souhaitons revenir sur les enjeux de cette mesure et prendre position pour une agriculture biologique exigeante.

Un compromis au goût amer

Pendant plusieurs mois, la question de l’autorisation des serres chauffées en bio a fait l’objet d’un intense débat qui a divisé le monde agricole. Il faut savoir que le cahier des charges européen n’interdit pas explicitement l’usage des serres chauffées pour la production de fruits et légumes bio : il stipule simplement que “la production biologique doit respecter le cycle des saisons” et “faire un usage raisonné de l’énergie”.

Profitant des possibilités d’interprétation du texte, les premières serres chauffées ont été installées en France dès 2017 (0,2 % des surfaces en légumes bio, estimation des chambres d’agriculture). Mais les projets de conversion en bio de serres chauffées conventionnelles se multiplient : si les consommateurs sont plus en plus nombreux à se tourner vers le bio, c’est aussi le cas des acteurs de l’agroalimentaire conventionnel – dont les géants bretons de la tomate –, attirés par ce marché en pleine croissance.

Alertée, la FNAB* saisit dès 2018 le Comité national de l’agriculture biologique (CNAB), chargé de définir les modalités d’application de la réglementation européenne pour la France, en demandant l’interdiction du chauffage des serres en bio. A deux reprises, au vu des dissensions, le vote est repoussé. D’un côté, les représentants majeurs de l’agriculture conventionnelle, en faveur des serres chauffées. De l’autre, la FNAB, le SYNABIO*, le réseau Biocoop et des associations de consommateurs qui mobilisent leurs forces pour défendre une agriculture bio de qualité, avec entre autres, une pétition recueillant plus de 80000 signataires et une tribune parue dans la presse, émanant d’un collectif de cent parlementaires1.

Le 11 juillet dernier, le CNAB a finalement rendu ses conclusions : la culture bio sous serre chauffée pour la production de certains légumes d’été sera désormais autorisée. Avec des conditions restrictives : “ le chauffage des serres est possible uniquement dans le respect des cycles naturels. Dans ce cadre, la commercialisation, au stade de la production, des légumes aubergines, concombres, courgettes, poivrons et tomates avec la qualité biologique est interdite entre le 21 décembre et le 30 avril ”2. Une décision en forme de compromis, par laquelle aucune des deux parties ne l’emporte vraiment.

Une aberration gustative, agronomique et environnementale

Le chauffage des serres en bio pose de multiples problèmes : compatibilité avec la démarche agronomique de la culture bio, empreinte carbone, mais aussi, tout simplement, en termes de qualité gustative.

Le cahier des charges bio impose le « respect des cycles naturels ». La saisonnalité en est le pilier central : la tomate, par exemple, ne peut arriver à maturité dans des conditions naturelles avant la fin du mois de juin, donc l’été. Les nouvelles dispositions, en interdisant la commercialisation des tomates bio produites en serre chauffée pendant la période hivernale (du 22 décembre au 1er mai), pose ainsi une contrainte minimale et indispensable. Reste que le 30 avril marque à peine le début du printemps, encore loin de la véritable saison des tomates, et que ces tomates « bio » auront mûri pendant l’hiver… de manière assez éloignée de leur cycle naturel ! Toutefois, et c’est un point positif pour tous ceux qui ont une autre idée de la bio, il est fort probable que cette restriction de commercialisation gêne considérablement la rentabilité du système. Nous osons espérer que dans ce cadre légal, faute de rentabilité, l’usage des serres chauffées en bio ne connaîtra pas le développement attendu.

Autre principe agronomique essentiel en bio, la rotation des cultures pour lutter contre l’appauvrissement des sols. Pour augmenter la rentabilité des serres chauffées, les industriels se spécialiseront sur une production unique. Cela contrevient aux principes de la bio, et contribue à épuiser les sols. Qu’en sera-t-il, à moyen terme ? Là encore, les limites de cette agriculture bio industrialisées seront vite atteintes.

L’empreinte carbone est tout aussi problématique. Comment concilier une agriculture soucieuse de l’environnement et un mode de production « bio » qui consommerait 200000 à 250000 litres de fioul par hectare, en chauffant des serres tout l’hiver à 20 degrés ? Certes, suivant les dispositions du CNAB, “les producteurs seront soumis à l’obligation d’utiliser uniquement des énergies renouvelables pour chauffer les serres”. Une obligation qui entre en vigueur à compter de 2020 pour les exploitations en conversion, et en 2025 pour toutes celles déjà certifiées AB. A l’heure de l’urgence d’agir pour le climat, de réduire drastiquement la consommation d’énergies fossiles, est-ce bien raisonnable de fixer l’échéance… dans six ans ?

Pour ce qui est des émissions, selon l’Ademe*, une tomate produite en France sous serre chauffée émet 7,3 fois plus de gaz à effet de serre qu’une tomate produite en saison3.

Enfin, et ce n’est pas le moindre argument, parlons de la qualité gustative des fruits et légumes sous serre chauffée. Chacun sait que rien n’égale l’arôme et la saveur d’un fruit ou d’un légume mûri au soleil. Comme l’observe le chef étoilé Olivier Roellinger, c’est déjà, en soi, une aberration que la Bretagne soit devenue la première région productrice de tomates en France. « La bio sous serre aura autant d’intérêt que la conventionnelle sous serre : elle n’aura de tomate que le nom et la couleur, mais aucun goût […].Une tomate bio de saison, c’est si bon. Vous enlevez le pédoncule, vous l’ouvrez, la mettez sous le nez, c’est une merveille. On parle d’exploitants agricoles et de consommateurs. Il faudrait revenir à des cultivateurs et éleveurs, et des mangeurs et mangeuses. »4 Et d’ajouter : « les producteurs bio qui refusent de chauffer ont une éthique. Ils favorisent donc des variétés à pousse lente mais goûteuses, cueillies à maturité. »5

Pour une bio d’avenir, porteuse de valeurs et de sens

En effet, la bio, ce n’est pas seulement ne pas employer de pesticides. Réduire la bio à cela, c’est dénaturer ses valeurs et la vision d’un autre modèle agroalimentaire qu’elle promeut. Une bio exigeante, telle que nous – et tant d’autres – la concevons, c’est une bio éthique, porteuse de sens, à même de répondre aux enjeux alimentaires et environnementaux de demain. C’est une bio d’avenir, pionnière, pointue en en termes d’agronomie, capable de proposer des solutions autres, et non de détourner celles qui aujourd’hui sont à bout de souffle.

Une agriculture biologique de qualité, c’est une façon de redonner du sens à l’alimentation. Si les consommateurs sont chaque année de plus en plus nombreux à se tourner vers la bio, c’est bien parce qu’ils attendent autre chose. Sans doute, la plus grande partie de ces « mangeurs » exigeants saura faire la différence entre les produits. Mais pour une autre, il est probable que cette mesure sème le doute sur un mode d’agriculture qui, tout en étant en plein essor, réclame encore pédagogie et sensibilisation. Avec le risque, à force de compromis, de perdre leur confiance.

A l’issue de cette décision, voyons le « verre à demi-plein », et considérons cette disposition comme un encadrement souhaitable, posant des limites là où il n’y en avait pas6. De notre côté, nous continuerons notre combat pour une bio exigeante, en allant au-delà du cahier des charges s’il le faut, comme nous le faisons à chaque fois que nous le considérons nécessaire.

*FNAB : Fédération nationale de l’agriculture biologique

*SYNABIO : Syndicat des transformateurs et distributeurs bio

*ADEME : l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie

SOURCES

1 https://www.change.org/p/didier-guillaume-pas-de-tomate-bio-en-hiver-non-aux-serres-chauff%C3%A9es
https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/07/09/monsieur-le-ministre-de-l-agriculture-et-de-l-alimentation-defendons-une-agriculture-biologique-de-qualite_5487147_3232.html
2 https://www.inao.gouv.fr/Espace-presse/Conclusions-du-Comite-national-de-l-agriculture-biologique-du-11-juillet-2019
3 https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/07/11/les-serres-chauffees-autorisees-sous-conditions-dans-l-agriculture-bio_5488240_3234.html
4 https://www.liberation.fr/france/2019/07/09/serres-chauffees-faire-de-l-intensif-en-bio-c-est-se-fourvoyer_1739036
5 http://www.leparisien.fr/societe/le-chef-roellinger-part-en-guerre-contre-les-fausses-tomates-bio-10-07-2019-8113836.php
6 http://www.fnab.org/espace-presse/retrouvez-ici-tous-nos-communiques/1065-pas-de-tomates-bio-avant-le-muguet-la-fnab-se-felicite-du-compromis-sur-les-serres-chauffees-et-remercie-la-mobilisation




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