Depuis plusieurs années, on observe avec inquiétude le déclin du nombre d’abeilles. Pourtant, ces insectes pollinisateurs sont absolument indispensables à notre écosystème. Parmi les menaces qui planent sur elle, la pire a été identifiée : les pesticides dits « néonicotinoïdes ». Interdits en France, puis autorisés de nouveau, les néonicotinoïdes sont à nouveau bannis… espérons-le cette fois pour toujours ! On revient sur cette bataille en faveur des abeilles et les enjeux vachement importants de cette victoire contre des produits phytosanitaires aux effets carrément néfastes.
Tout ce qu’on doit aux abeilles
Les abeilles sont des insectes pollinisateurs : elles jouent un rôle essentiel dans le processus de pollinisation des plantes à fleurs. La pollinisation est le processus de transfert du pollen des étamines (partie mâle) vers le pistil (partie femelle) des fleurs. Ce transfert de pollen d’une fleur à une autre lorsque les abeilles butinent permet la fécondation des ovules et la production de graines et de fruits. C’est un processus vital pour la reproduction des plantes et des cultures agricoles.
Les abeilles et les bourdons sont considérés comme les pollinisateurs les plus efficaces, grâce à leurs poils spéciaux qui permettent au pollen de s’accrocher à leur corps et à leurs pattes lorsqu’ils visitent les fleurs ! En volant de fleur en fleur pour se nourrir de nectar, ces insectes transfèrent involontairement le pollen d’une plante à une autre, facilitant ainsi la fécondation croisée.
Parmi les autres insectes pollinisateurs, on peut citer les papillons, les guêpes, les coléoptères, certaines mouches, les papillons de nuit… toute une belle biodiversité qui assure un sacré service environnemental !
Ces insectes pollinisateurs sont indispensables à l’agriculture et à la production alimentaire mondiale. Un tiers de l’alimentation dépendrait de la pollinisation : sans abeilles, pas de tomates, de pommes, de fraises, de courgettes ou encore de noix…
Les abeilles, une espèce menacée
Sur les 20 dernières années, les populations d’abeilles ont subi d’énormes pertes, jamais observées jusque-là. Plusieurs facteurs y contribuent : la déforestation et l’urbanisation qui gênent l’habitat des abeilles, les attaques d’espèces envahissantes (comme le frelon asiatique), les changements climatiques… et l’agriculture intensive.
La pire menace pour les insectes pollinisateurs, ce sont les produits phytopharmaceutiques, et plus spécialement les néonicotinoïdes, d’ailleurs surnommés « tueurs d’abeille ». L’UNAF (Union Nationale de l’Apiculture Française) observe que « les insecticides néonicotinoïdes ont fait leur apparition en France en 1995. Depuis, environ 300 000 ruches périssent chaque année ! Les mortalités sont passées de 5 à 30% ».
Or la diminution des populations d’insectes pollinisateurs peut avoir des conséquences graves sur la pérennité de notre approvisionnement alimentaire et sur l’ensemble de la biodiversité.
C’est quoi les néonicotinoïdes ?
Les néonicotinoïdes sont des pesticides neurotoxiques de la classe des insecticides. Cinq substances de la famille des néonicotinoïdes sont utilisées en agriculture conventionnelle : la clothianidine, l’imidaclopride, le thiaméthoxame, l’acétamipride et le thiaclopride.
Ces produits phytopharmaceutiques sont utilisés pour protéger les cultures agricoles contre les insectes et leurs larves : chenilles, cochenilles, pucerons… Introduits dans les années 1990, c’est devenu l’un des pesticides les plus utilisés dans le monde en raison de leur efficacité et de leur facilité d’utilisation.
Alors que la plupart des insecticides sont pulvérisés sur les cultures, pour les néonicotinoïdes on utilise la technique de l’enrobage de semences. La graine est donc traitée avant d’être semée, de manière préventive. La protection est dite « systémique » : l’insecticide va être actif dans toute la plante, des feuilles au pollen. C’est ainsi que les abeilles, qui ne font pas partie des insectes nuisibles, vont être victimes des effets toxiques de ces substances chimiques…
Les néonicotinoïdes agissent sur le système nerveux des insectes : en se liant à certains récepteurs du système nerveux, ils perturbent leur fonctionnement normal. Des études scientifiques ont montré que lorsque les abeilles butinent, l’exposition aux néonicotinoïdes (et en particulier à l’imidaclopride) affecte leur capacité de navigation et d’orientation. Plus capable de chercher de la nourriture ou de retrouver sa ruche, l’abeille finit par mourir.
Redoutablement efficaces, les néonicotinoïdes ont donc un impact catastrophique sur l’environnement : ces produits sont les premiers responsables du déclin des populations d’abeilles et autres pollinisateurs. Le consensus sur l’extrême toxicité des néonicotinoïdes est général parmi les scientifiques.
Les néonicotinoïdes interdits, mais autorisés par dérogation…
Afin de protéger les abeilles et de préserver leur rôle vital dans la pollinisation et la santé des écosystèmes, certains pays ont introduit des restrictions sur l’utilisation des néonicotinoïdes, mis en cause étude après étude depuis 2012.
Ainsi, en 2018, l’Union européenne a interdit l’utilisation de néonicotinoïdes sur les cultures en plein champ, qui attirent particulièrement les abeilles. La même année, la France a adopté une loi interdisant l’utilisation en plein champ de certains néonicotinoïdes : l’imidaclopride, la clothianidine et le thiaméthoxame.
Mais en 2020, la filière de la betterave sucrière française a connu une grave crise : les récoltes sont victimes d’une épidémie virale transmise par les pucerons. Le gouvernement vote alors une loi autorisant à nouveau l’utilisation des néonicotinoïdes pour certaines cultures spécifiques, dont celle des betteraves. Grâce à cette dérogation temporaire (la loi doit être votée chaque année, et elle le sera en 2021), les néonicotinoïdes font leur retour en France, au grand dam des apiculteurs et des défenseurs de l’environnement.
… C’est terminé !
Alors qu’ils allaient être à nouveau autorisés pour la 3e année consécutive, le gouvernement a dû se plier à la décision de la Cour de Justice de l’Union Européenne. En janvier 2023, elle a publié un arrêté interdisant formellement aux États membres de contourner l’interdiction des semences traitées aux néonicotinoïdes.
Le ministre de l’Agriculture français s’est donc vu contraint d’annoncer que le gouvernement renonçait à prolonger la dérogation d’utilisation des néonicotinoïdes pour cultiver les betteraves. Une victoire pour la biodiversité… mais on n’est jamais sûr que la guerre soit gagnée.
Déjà, parce que si l’Union européenne a fermeuhment rappelé ses pays membres à l’ordre pour ce qui est des semences, on a toujours le droit (sauf en France) de pulvériser sur les cultures un néonicotinoïde, l’acétamipride. Et pis, les substances néonicotinoïdes sont toujours utilisées en quantité sur les cultures produites dans le reste du monde…
Les néonicotinoïdes sont les pesticides les plus toxiques pour les pollinisateurs, mais les autres pesticides ne font pas non plus du bien à la biodiversité. C’est pour ça que chez Les 2 Vaches, on a choisi de produire en bio, sans pesticides ni engrais de synthèse : une agriculture plus respectueuse des hommes, des animaux et de la planète.