Depuis une quinzaine d’années, l’association Un Plus Bio se bat pour que les enfants mangent meuh à la cantine scolaire : manger meuh, c’est manger bio, durable, et autant que possible local. Aujourd’hui, Un Plus Bio est devenu le “premier réseau national des cantines bio et rebelles”: combat, initiatives, réussites, on vous raconte tout !
Plus de bio et de local dans les assiettes
Créée en 2002, Un Plus Bio (un diminutif pour : Unis à Plusieurs vers la Bio), est une association nîmoise qui est le fruit des actions des CIVAM* du Gard. Depuis le début des années 90, ils travaillent à rassembler tous les acteurs pour développer le bio en restauration collective : cuisiniers, gestionnaires, principaux de collèges et proviseurs de lycées, enseignants et éducateurs, producteurs et transformateurs… avec l’objectif de favoriser l’introduction d’une alimentation bio et durable. Avec l’association Un Plus Bio, l’idée est de donner plus d’échos aux démarches innovantes en restauration collective bio, de soutenir le changement des pratiques, mais aussi de tisser des partenariats avec les collectivités territoriales et les associations agricoles, rurales, et de parents d’élèves dans toute la France.
©UnPlusBio
C’est par exemple grâce à Un Plus Bio qu’existe l’Observatoire national de la restauration collective bio et durable, un outil vachement utile crée en 2017 en partenariat avec Ecocert et le programme de recherche Lascaux. Comme l’observe l’association, “approvisionner les cantines en produits bio, locaux, frais et de saison nécessite une compréhension fine du fonctionnement de la restauration collective et des systèmes alimentaires. Quels sont les leviers pour maitriser le budget consacré aux denrées ? Quelles politiques locales mettre en oeuvre dans ma collectivité pour agir sur la restauration ? Comment s’approvisionner localement en bio ?”. Beaucoup de questions auxquelles l’Observatoire cherche à apporter des réponses concrètes en collectant les données et les initiatives d’un grand nombre de collectivités engagées pour une alimentation de qualité : en 2019, 280 collectivités représentant plus de 4000 cantines ont participé à cette enquête. La part de bio déclarée est contrôlée par Ecocert, l’organisme qui audite officiellement les pratiques avec le label « En Cuisine ». Les données recueillies sont ensuite analysées, puis partagées sous forme d’enquêtes annuelles, consultables en ligne par tous. Cela permet de créer un état des lieux et des références fiables, qui peuvent servir de repères aux élus, aux services et aux acteurs du territoire pour guider leurs politiques alimentaires. À ce jour, c’est le seul outil qui interroge spécifiquement les politiques alimentaires des territoires en transition vers une restauration bio, locale et durable.
Côté événements, Un Plus Bio organise chaque année depuis 2015 les « Victoires des cantines rebelles », un tremplin pour les actions portées par les collectivités : plutôt que de s’appesantir sur la lenteur des changements, l’association a décidé de mettre en lumière les bio-nnes nouvelles ! Parmi les nominés 2019, des petites communes, comme Le Rouret (06), une des premières passées au 100% bio dès 2001, des grandes villes comme Dijon passée en quelques années de 10% à 36% de bio, sans surcoût pour les familles ni la collectivité grâce à -40% de gaspillage, ou Paris pour les crèches qui atteignent 62% de bio, le département du Gers pour son programme dans les collèges avec 26% de bio dont la moitié en local, ou encore des établissements, comme le Collège Jean-Rostand (30) avec 38% de bio. Avec cette célébration conviviale, Un Plus Bio souhaite valoriser les femmes, les hommes et les équipes acteurs du changement.
La cantine comme plat de résistance !
Convaincue qu’il est plus facile d’avancer à plusieurs que chacun de son côté, l’association regroupe donc autour de sa petite équipe de 3 salariés, des bénévoles très meuhtivés, des adhérents et un ensemble bien plus vaste d’acteurs qui partagent des valeurs communes.
Leur engagement pour changer les pratiques dans les cantines scolaires, avec plus de bio et de local dans l’assiette, c’est aussi une vision ambitieuse à plus grande échelle : “Parce que des millions de personnes déjeunent chaque jour hors de chez elles, il est possible de réformer le monde à travers l’assiette : en mangeant mieux, on noue de vrais partenariats avec le monde paysan, on soutient le passage à une agriculture biologique d’envergure, on fait de l’alimentation le premier des indicateurs d’une bonne santé, on redonne aux cuisiniers les moyens de faire leur métier, on met le paquet sur l’éducation du citoyen, bref on développe de vraies politiques alimentaires publiques”, expliquent-ils. “Les cantines peuvent devenir un véritable lieu de changement pour notre planète et un puissant levier de développement économique et social sur les territoires. La restauration collective est plus que jamais au carrefour des préoccupations du moment : lutte contre le réchauffement climatique, protection de l’environnement, viabilité du monde agricole, éducation à la citoyenneté. Si le bio, le local, le sain et le juste entrent enfin à grande échelle dans nos assiettes, c’est un nouveau plat de résistance… à la crise que s’offre la société !”. Autant d’idées que l’on peut retrouver développées dans leur manifeste collectif, « Quand les cantines se rebellent », paru en 2015.
Déterminés mais pas naïfs, Un Plus Bio connaît bien les freins au développement du bio dans les cantines, et a réfléchi aux solutions à mettre en place. Par exemple, le coût : “Au-delà de 30% de bio dans un repas, le coût augmente légèrement. Pour le contenir, il est nécessaire de changer certaines approches. 40% des collectivités ont mis en place au moins deux leviers de maîtrise des coûts : lutte contre le gaspillage, menu végétarien (les plus plébiscités), mais aussi cuisine de produits bruts, de saison et locaux, formation, approvisionnement en direct auprès des producteurs…”
Justement, est-ce qu’il existe assez de denrées bio pour fournir toutes les cantines ? « Quand le local se mobilise, l’approvisionnement n’est plus un problème », répond Un Plus Bio. « 30% des collectivités travaillent avec une plate-forme de producteurs, comme le réseau Manger Bio, un groupement de commande et/ou de gré à gré ». D’ailleurs, c’est une question que connaît particulièrement bien le Président de Un Plus Bio, Gilles Pérole, maire adjoint de Mouans-Sartoux (06) : les trois cantines scolaires de sa ville sont 100% bio depuis 2012 !
A Mouans-Sartoux, les 3 cantines sont 100% bio
Comment Mouans-Sartoux, une ville de 10.000 habitants dans les Alpes-Maritimes, a-t-elle réussi à servir aux enfants des repas 100% bio et locaux ? Tout a commencé avec la crise de la vache folle. Pour le député-maire écologiste de l’époque, André Aschieri, c’est le déclic pour changer de pratiques dans les cantines scolaires. Il décide alors de faire acquérir par la mairie plusieurs hectares de terrains sur sa commune (qui du coup sont redevenus terrains agricoles au lieu d’être construits !), et de créer une régie municipale agricole pour cultiver ses propres légumes. Une exception en France !
Ici, les maraîchers municipaux produisent environ 25 tonnes de légumes bio par an, qui permettent de servir 1000 repas par jour dans les cantines des trois écoles et les crèches de la ville. « On arrive à avoir une cantine 100 % bio sans dépenser plus », explique Gilles Pérole. Le secret ? « On gaspille moins, donc on achète moins et on réinvestit dans la qualité. » La méthode : adapter les quantités à la consommation réelle des enfants. Chaque élève choisit sa propre portion suivant son appétit (avec « du rab » à volonté), les fruits sont coupés en petits quartiers, eux aussi en service à volonté. En quatre ans, la moyenne des restes alimentaires dans l’assiette est passée de 150 grammes (moyenne nationale actuelle) à 32 g. Des mesures qui ont permis de dégager financièrement des marges de manoeuvre à hauteur de 20 centimes par repas, et l’introduction du bio intégral sans surcoûts…
©MEAD Mouans-Sartoux
« Ce n’est qu’une affaire de volonté politique », affirme le Président de Un Plus Bio. Si les programmes nationaux et la demande citoyenne sont des éléments déclencheurs, les choix des élus locaux sont déterminants : dans 65% des cantines bio et locales, la démarche a été impulsée par les élus.
50% de bio dans les cantines en 2022
Les choses avancent aussi avec la loi « EGAlim » (30 octobre 2018), sur l’agriculture et l’alimentation, qui comporte de nombreuses mesures pour la restauration collective. Ainsi, « les services de restauration scolaire et universitaire, les services de restauration des établissements d’accueil des enfants de moins de six ans, des établissements de santé, des établissements sociaux et médico-sociaux et des établissements pénitentiaires dont elles ont la charge doivent proposer, au 1er janvier 2022, au moins 50% de produits de qualité et durables, dont au moins 20% de produits biologiques ».
Si la loi EGAlim impose aux collectivités de s’engager sur la voie du durable en restauration collective, le législateur n’a prévu ni contrôle ni sanction, et chacun pourra déclarer ce qu’il veut… C’est quand même un problèmeuh ! Ce que suggère l’association Un Plus Bio, c’est de « demander aux responsables de ma cantine de me fournir les chiffres et les encourager à un audit officiel avec le label « En Cuisine » Ecocert, seul outil de mesure objectif et indépendant à ce jour ».
Pour Gilles Pérole, il est urgent « de passer du dire au faire. La loi EGAlim a fixé des objectifs clairs qui nous invitent à aller de l’avant : 50% de durable dont 20% de bio dans les cantines. Il faut donc s’y mettre et, pour y parvenir, il n’y a pas trente-six solutions : seule une mobilisation combative et enthousiaste de tous les territoires permettra d’honorer les intentions. » On ne va pas dire le contraire : 20% de bio dans une assiette, c’est mieux que rien, mais… peut-être qu’on pourrait essayer de faire meuh ?
Le Manifeste de Un Plus Bio en 10 grands points
*CIVAM : Centre d’Initiatives pour Valoriser l’Agriculture et le Milieu rural
Sources :
https://mead-mouans-sartoux.fr/manger-bio/
https://reporterre.net/La-cantine-bio-de-Mouans-Sartoux-nourrit-bien-eleves-et-paysans
https://agriculture.gouv.fr/les-mesures-de-la-loi-egalim-concernant-la-restauration-collective
https://www.agencebio.org/wp-content/uploads/2019/11/CSA_AgenceBio_RestauCollective.pdf