“Qu’est-ce qu’on mange? ” Voilà une question qui mérite réflexion…
« Qu’est-ce qu’on mange ? » Voilà une question quotidienne qui a du sens. Choisir de quoi l’on se nourrit, et si ce n’est le cas, au moins le savoir, constitue une condition nécessaire et préalable pour apprécier ce que l’on mange : rien de plus normal, pour celui qui a confectionné le dîner familial, comme pour le serveur du restaurant, que de répondre aux interrogations légitimes des convives concernant les ingrédients utilisés. De cette dimension psychologique, doublée d’un enjeu sanitaire, naît le besoin d’identifier ce que l’on va ingérer, pour anticiper le plaisir de retrouver des saveurs aimées comme pour surmonter la réticence liée à l’inconnu. D’autres facteurs encore, familiaux et culturels, guident nos choix alimentaires. Mais dans tous les cas, manger passe par une relation de confiance.
Avec, par exemple, le scandale de la viande chevaline substituée à la viande bovine à l’insu des consommateurs, ce pacte de confiance a été trahi. Même si le risque sanitaire est écarté, les réactions, voire la répulsion, sont à la mesure de la tromperie. Qu’est-ce que cela nous apprend, si nous ne le savions déjà ? Que la recherche effrénée des coûts les plus bas, pour les fabricants, les distributeurs et les consommateurs, se fait nécessairement aux dépens de la qualité. Qu’elle génère des chaînes de sous-traitance qui mettent en danger la traçabilité des produits, et l’information des consommateurs. Et que, dans le pire des cas, la porte s’ouvre aux dysfonctionnements et aux fraudes.
La chaîne de l’agroalimentaire doit tirer les conséquences de ce scandale qui participe au processus de décrédibilisation. Faut-il se contenter d’attendre que soient mis en place davantage de contrôles sanitaires, de régulation et de sanctions ? Que le consommateur baisse les bras et abandonne toute envie de comprendre ce qu’il mange ? Ou au contraire avoir pour ambition de faire bouger le modèle agroalimentaire, de ramener du goût, du plaisir et du sens dans notre nourriture quotidienne ?
Contribuer à réinventer le modèle agroalimentaire pour aller vers plus de transparence et de confiance, c’est la mission que se donne la filière bio pour répondre aux attentes des consommateurs. En se dotant de contrôles rigoureux et fréquents, en travaillant à parfaire la traçabilité et la maîtrise des circuits, en s’engageant dans une démarche de progrès continu, elle a posé les bases du modèle de demain. Elle croit en la nécessité d’un raisonnement de filière concertée, sans affrontement entre les acteurs, en un développement d’autant plus solide qu’il sera réfléchi : à quoi bon, comme l’a fait le premier Grenelle de l’Environnement, se fixer un objectif de 20% de surface agricole utile en agriculture biologique, sans vision d’ensemble sur la demande, les circuits et les ventes ?
L’agriculture biologique ne constitue pas un horizon unique, ni une solution parfaite. Mais elle incarne un premier niveau d’exigence. Ses valeurs et ses méthodes sont susceptibles d’être source d’inspiration pour améliorer la chaîne alimentaire et entraîner agriculteurs, transformateurs, distributeurs et consommateurs dans une spirale vertueuse. Parce que demain, au-delà d’un cahier des charges biologique, les consommateurs plus exigeants demanderont plus encore : du plaisir, de l’information, et seront prêts à payer un prix juste pour se réapproprier une alimentation de qualité. Les Français sont déjà convaincus par la qualité des produits alimentaires bio : le marché ne cesse de croître. Et chaque scandale attirera davantage de consommateurs.
La question n’est donc pas de savoir si le marché se développera, mais à quelle vitesse. Sans aide significative des pouvoirs publics, – permettant entre autres de réduire l’écart de prix entre les produits conventionnels et le bio pour le rendre accessible au plus grand nombre-, environ au rythme de 10% par an. Un rythme soutenu, mais qui ne traduit pas nos ambitions. Pendant ce temps, les scandales continueront à se succéder, les nitrates à polluer et les OGM à proliférer.
Si au contraire se manifeste une véritable volonté politique pour que la bio occupe une place significative, celle-ci jouera pleinement son rôle dans le modèle industriel agroalimentaire de demain. Développement que les pouvoirs publics ont tout intérêt à soutenir, voire accélérer : l’agriculture biologique, au-delà de l’alimentation, est aussi à même de rendre un service public concernant la pollution des eaux et les zones de captage.